mardi 23 février 2010

Patchouli Patch de l'Artisan Parfumeur


Le patchouli...quelle matière...!
On peut l'aimer passionnément ou ne pouvoir le souffrir, reconnaissons-lui son caractère puissant, terreux, humide, intense, rustique.
Sentir un patchouli me fait l'effet d'être face contre terre dans l'humus et le terreau humide d'une forêt sombre. Je respire la tourbe, le champignon et son mycélium, mais aussi la verdure pourrissante, les bois moisis gorgés d'eau vieillie. Et curieusement parallèlement, je me laisse surprendre par la volupté de ces odeurs de la nature, dans ce qu'elle a de plus décomposé et terreux.

La note patchouli apporte selon moi, une touche des plus intéressantes et séduisantes qui soient aux compositions parfumées. Que seraient Miss Dior, Opium, Youth Dew, Angel, et même Shalimar sans cette pointe de patchouli à plus ou moins forte dose..?
J'aime le patchouli lorsqu'il entre dans la composition d'un parfum élaboré. Il incarne alors à mes yeux l'accompagnateur vigilant et prévenant, l'homme mûr, le sage, attaché aux valeurs de la terre, qui observe de loin la danse et les festivités des Joyeux.

Ce patchouli m'a tant intriguée et séduite dans les parfums cités plus haut, que j'ai souhaité me pencher sur des compositions plus "solinotes" .
J'ai donc porté trois patchoulis pendant trois semaines: Celui de Réminiscence d'abord, puis celui de Lutens: Bornéo 1834, et enfin Patchouli Patch de l'Artisan Parfumeur.
J'ai moyennement apprécié le flashback sur les années 70 que m'a offert celui de Réminiscence : Puissant, liquoreux, ambré et vanillé. J'ai fait le tour de la beauté typée de Bornéo 1834, un patchouli épuré, ethéré et pourtant corsé, gansé de cacao, façon cabosse. Un patchouli noir, brillant.
Et je suis tombée sous le charme du ciselé Patchouli Patch de L'Artisan Parfumeur...
Né en 2002 des nez avertis de Bertrand Duchaufour et Evelyne Boulanger, cette eau de toilette offre ce qu'il y a de plus sincère dans le patchouli et fait baisser le son de ce qui pourrait (m)'irriter.
Car...
C'est bien d'un patchouli terreux et sec qu'il s'agit, mais dans son cas c'est comme si la terre flirtait constamment avec l'air. Qu'on se le dise, dans les différentes phases de développement de PP, le patchouli demeure la matière vedette.
Elle est accompagnée pour commencer, par une très discrète note d'iris tendre et fleurie et comme si cette dernière ne suffisait pas à aérer la terreuse et camphrée substance, une délicieuse note fleurie-abricotée d'osmanthe suffit à parfaire la légèreté de cette entrée en matière.
On sent poindre rapidement ensuite, des muscs blancs qui polissent merveilleusement la "rudesse" du patchouli. Ces muscs blancs qui couplés au patchouli aérien, donnent l'impression d'une peau chauffée au soleil, ou par des caresses...
Les notes rustiques du patchouli d'origine sont aussi comme légèrement glacées par la présence de badiane (ou peut-être est-ce du fenouil?) qui apporte une élégante touche aromatique, finement épicée.
Les minutes (heures!) passent et n'ôtent rien à mon plaisir, le patchouli de ce Patch se fait doux, murmurant, tendre, chaud et... suspendu, entre ciel et terre.

On déplore bien souvent (et à raison!), la faible tenue et le timide sillage des eaux de toilette de l'Artisan Parfumeur, ici on peut se réjouir de l'excellente tenue et du magnifique sillage qu'offre ce Patchouli Patch. Seul ou juxtaposé à autre parfum par petites touches, il est tout simplement magnifique! Et mixte, of course!

Notes: Patchouli, iris, osmanthus, muscs blancs, badiane (fenouil?), vetiver, santal.

mardi 9 février 2010

N'Aimez que Moi...CARON




-1916- la guerre fait rage, des grondements sourds et mats remontent le long des plaines, traversent forêts et collines, depuis les tranchées. L'absurdité humaine bat son plein. Combien de jeunes gens pourtant si débordants de promesses quittent-ils parents et amours pour rejoindre l'innommable, l'épouvante? Combien de tripes broyées par la peur de ne revenir sains et saufs, de cœurs noués, se mettent-ils en marche vers de funestes mois et années?

Ernest Daltroff et Félicie Wanpouille les créateurs de génie de la maison Caron ont alors une idée qu'il mettent rapidement à exécution en ces temps aussi troubles que sombres:
Le couple créé "N'aimez que moi". Un parfum destiné à "cimenter" les cœurs séparés par la guerre.
J'ignore si le jus que l'on trouve aujourd'hui dans les fontaines des boutiques Caron à Paris est identique à celui qu'il fut jadis, mais "N'aimez que Moi" possède définitivement ce petit trait de caractère suranné, adorablement désuet, touchant.

Le départ est un alcool de roses mâtures, puis la puissance éthylique disparaît progressivement au profit d'une sensation de poudre délicate rose et parme.
J'ai le sentiment par moment de sentir la poudre sucrée qui glace la guimauve. Et puis... non! Reviennent en force les parfums de la rose bulgare, un soupçon de violette et de lilas aussi.
Une pointe d'iris affine enfin le bouquet opulent avec sa note légèrement métallique et poudrée.

Le cœur se boise doucement et confère une certaine épaisseur au bouquet initial, au trio roses-violettes-iris.

Enfin, le parfum se calme et fond sur la peau dans des notes suaves, poudrées, infiniment tendres, peut-être grâce à la vanille et à l'ambre.

Il m'est aisé d'imaginer le visage de ces jeunes gens offrant à l'élue de leur cœur, un flacon de "N'aimez que moi" juste avant de partir pour la violence du front.
Je ferme les yeux un instant et je me figure alors les regards, les larmes, les sourires forcés, les mains qui se joignent et se serrent fort, les promesses chuchotées de conserver intacts les sentiments qui lient "les séparés" ...

"Oui.......Je n'aimerai que Vous."


Notes: lilas, rose, violette, iris, vétiver, cèdre, bois de santal, vanille, ambre, musc, mousse de chêne.


NB: Celles qui connaissent la fameuse poudre pour le visage de Caron sauront de quoi je parle, car c'est là l'exacte odeur de ce parfum.